Ici, vous ne trouverez que du trouble, du propre et du neuf! Promis, juré!
C'est bien connu: cela cancane beaucoup autour des lavoirs! Les lavandières échangent un tas de nouvelles et de pensées, toutes fraîches et mouillées, et cela rigole dans la bonne humeur pour rendre la tache plus agréable! Les lavoirs étaient dans les villages des endroits privilégiés où les femmes pouvaient rejouer et revivre à leur manière, de façon rustique, les fameux banquets des Anciens.
Le tête-à-tête avec la machine à laver est d'une tristesse insondable et d'une pauvreté sans bornes à côté! Ayant été étudiant, et ayant fréquenté les laveries automatiques de nos villes, je sais de quoi je parle! Les lavandières de nos campagnes ne sont pas maudites comme les blanchisseuses de Zola, mais presque! Il n'existe pas à ma connaissance de fable française mettant en scène des lavandières! C'est bien dommage, et il me faudra, je pense, corriger cet impair et cet oubli un jour. Heureusement, les peintres ont été moins chiches avec elles que les poètes!
Les lavandières ont cependant inspiré un poème en prose à Aloysius Bertrand, dont le recueil Gaspard de la nuit constitue l'un des chefs-d'oeuvre de la poésie en prose du dix-neuvième siècle, avec Les illuminations d'Arthur Rimbaud et Les petits poèmes en prose de Baudelaire. Je pense d'ailleurs que l'étude et le souvenir de ces trois recueils pourraient inspirer un Fénelon moderne, et une naissance ou renaissance de la fable moderne en prose. Le poème d'Aloysius Bertrand s'intitulait au départ Les lavandières, mais il a été remanié, et ce premier titre a été raturé au profit du nom de l'ondin du poème, Jean des Tilles.
On trouve la figure de la lavandière dans un excellent poème de Victor Hugo niché dans Les Chansons des rues et des bois, intitulé Choses écrites à Créteil. On la trouve également dans la poésie de Francis Jammes, poète injustement oublié de nos jours et qui sut magnifiquement clore le dix-neuvième siècle, avant que le vingtième siècle ne voie le jour avec Guillaume Apollinaire et lui-même! Deux poètes qui surent parler avec humanité et talent des animaux. On peut notamment trouver les poèmes Tape le linge... et Au moulin du bois froid... dans son célèbre recueil De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir. Poèmes aux accents légèrement érotiques comme celui de Victor Hugo.