"Pourquoi, diable, me pissez-vous dessus?
S'exclama un hérisson gras, rond et pansu,
Que chevauchait une belette.
- J'ai faim, je veux manger; il n'est pas bête
De vous inscrire à mon menu!
Cette idée trotte dans ma tête
Depuis que je vis faire le renard,
L'autre soir,
Avec l'un de vos congénères.
L'urine, je le sais, elle vous exaspère;
Elle arrive à desserrer vos écrous.
Je ne crois pas qu'elle vous saoule,
Mais elle entrouvre du moins votre boule;
Elle vous met à la merci du renard roux
Qui se régale alors, oui, qui vous apprécie.
Or, que je sache, moi aussi,
Je possède un estomac et une vessie,
Je peux vous arroser, je peux être précis.
- Pourtant, vous n'êtes pas près de voir ma frimousse!
- Vous dites? Je vous entends mal.
- Je dis, vous n'êtes pas près de voir ma frimousse.
Votre jet, il n'éclabousse que votre poil.
- Quoi? - Votre jet de pisse
N'est pas assez puissant
Au milieu de mes piquants
Pour me mettre au supplice!
Pipi de belette équivaut
Au mieux à trois pipis d'oiseau!
Vous écorchez votre manteau!
Eh, ce n'est pas tout que la stratégie soit bonne,
Encore faut-il qu'elle soit mise en action
Et appliquée par la bonne personne!
Le renard, lui, ne pisse pas dans un violon!"
Si quelqu'un venait me dire que cette fable
Fut composée au pied levé par le goupil,
J'en serais à peine surpris! Très redevable
De son enseignement subtil
Je serais même à cet indispensable maître.
Car la leçon mémorable qu'elle contient
Ne cesserait jamais alors de me paraître
Que plus solide et plus digne de mon soutien!